Dans cet article, je ne propose pas de questionnaire. Mais vous êtes les bienvenus pour donner votre avis sur la question dans les commentaires !
La Gestation Pour Autrui a fait beaucoup de bruit au sein entre autres de l'Assemblée Nationale pendant le débat sur le vote du mariage pour tous en ce début d'année.
Cet article étant plutôt long, la première moitié est consacrée aux faits concernant la place et l'opinion de la GPA et dans la deuxième, je vous développe mon opinion sur la question ainsi que des idées pour un encadrement de cette pratique.
PREMIÈRE PARTIE
Premièrement : Qu'est-ce que la GPA ?
Il faut tout d'abord distinguer la "Procréation pour autrui" de la "Gestation pour autrui"
Le terme de procréation pour autrui est utilisé lorsque l'ovule de la mère porteuse est utilisé. La femme qui porte l'enfant est donc également la mère de l'enfant. C'est une "mère porteuse traditionnelle".
Celui de gestation pour autrui est quant à lui utilisé lorsqu'il y a recours à un fécondation in vitro. Des embryons sont transférés dans l'utérus de la mère porteuse qui n'est donc pas la mère génétique de l'enfant. On l'appelle "mère porteuse gestationnelle".
Maintenant que nous sommes au clair sur les termes, je tiens à vous dire que je n'ai trouvé dans les articles que j'ai eu l'occasion de lire pour préparer ce billet, que peu de fois la différentiation est faite. Cependant, le terme le plus utilisé étant Gestation Pour Autrui, j’agirai de même pour parler des deux. Cependant, lorsque je donnerai mon avis sur la question, un peu plus loin dans ce billet, je ferai une distinction claire entre les deux. Merci d'avoir ceci en tête pendant votre lecture.
Tout d'abord, la GPA est interdite en France depuis 1994 par la loi de bioéthique, révisée en 2004 et 2011. La raison principale de cette interdiction est que la GPA est contraire au principe de l'indisponibilité de l'état des personnes.
L’article 16-5 du Code civil prévoit que les contrats qui ont pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nuls. L’article 16-7 du Code civil dispose que les conventions portant sur la procréation ou sur la gestation pour le compte d'autrui sont nulles. Ce qui signifie qu’elles ne peuvent produire aucun effet juridique.
[...]
Le recours à la gestation pour autrui est contraire à l’ordre public interne, c’est d’abord la Cour de cassation qui l’a affirmé en 1991 par un arrêt d’assemblée plénière. Cette jurisprudence a été ensuite confirmée par le législateur dans la loi bioéthique du 29 juillet 1994 relative au corps humain et le Code civil interdit la gestation pour autrui (C. civ., art. 16-1, 16-5, 16-7)
*.
Certaines personnes et couples ont tout de même recours à la GPA dans d'autres pays où celle-ci est autorisée comme en Australie, au Brésil, au Canada, au Danemark, certains Etats des Etats-Unis, ainsi qu'en Russie
*. Cependant, lorsque les parents ou la personne célibataire ayant eu recours à la GPA dans ces pays et qu'ils souhaitent faire venir l'enfant en France et lui donner la nationalité française, si la GPA est suspectée, l'enfant n'aura alors pas droit à la nationalité française car la convention liant le couple à la mère porteuse est illégale en droit français.. Un des deux parents ou la personne célibataire peut être le parent biologique et de nationalité française de l'enfant, celui-ci n'a alors que la nationalité du pays dans lequel il sera né. Or, l'article 18 du Code Civil dit qu'est français, tout enfant né d'au moins un parent français.
Christine Taubira a voulu dans sa circulaire, rappeler aux tribunaux que cet article prévaut et ainsi, qu'un certificat de nationalité française soit délivré par les tribunaux dès lors que celui-ci arrive en France (lorsqu'au moins un des deux parents est français). Contrairement à certaines idées reçues, cette circulaire ne légalise en rien cette pratique de la GPA en France mais elle permet aux enfants qui sont censés par la loi d'acquérir la nationalité, de l'avoir.
Quels sont les arguments des anti GPA ?
Lors du débat à l'Assemblée Nationale, un tsunami d'arguments de l'opposition contre l'adoption du mariage pour les couples homosexuels était que celui-ci allait implicitement mais obligatoirement entraîner vers la légalisation de la Gestation Pour Autrui. Car, accepter que ces couples aient les mêmes droits que les couples hétérosexuels implique donc l'accès des couples de femmes à la Procréation Médicalement Assistée (PMA). Cependant, selon la droite, il serait donc discriminatoire d'autoriser les couples de femmes à avoir recours à une aide à la procréation alors que de l'autre côté, les couples d'hommes en seraient privés. Oui, jusqu'à maintenant, se sont les femmes qui portent les enfants, les couples d'hommes ne peuvent donc pas enfanter. L'accès à des spermatozoïdes et leur utilisation est également moins pénible, long et difficile que d'avoir recours à une tierce personne pendant neuf mois (et de la trouver au préalable). La PMA étant légale contrairement à la GPA comme nous l'avons vu pour des questions de principe d'indisponibilité de l'état des personnes.
La majorité avait répondu unanimement aux accusations de l'opposition qu'ils ne comptaient pas légaliser la GPA et que cette question n'était donc pas implicitement la suite logique de la légalisation du mariage pour les homosexuels.
Le principal argument qui vont à l'encontre d'une légalisation de la GPA est un refus de la marchandisation du corps de la femme. Pour les antis, autoriser la GPA revient à autoriser les personnes de "louer" le ventre d'une femme. Le corps ne pouvant être une marchandise, il est donc impensable qu'une femme puisse utiliser son corps pour de l'argent. L'acceptation de cette pratique relèverait également pour certains d'un anéantissement d'années de combats pour l'émancipation de la femme, puisqu'elle ne serait ravalée qu'au rang d'objet, de "four à bébés" (Sylviane Agacinski). Enfin, on peut compter aussi des arguments concernant les risques psychologiques pour l'enfant et pour la mère porteuse. On se demande alors quels pourraient être les risques d'une grossesse sans présence d'un enfant pour elle par la suite. Quels seraient les conséquences de cette négation de la naissance de l'enfant ? Puisque la femme qui aura mis au monde l'enfant ne sera pas celle qui l'élèvera, l'enfant étant remis aux parents d'intention. Quelle place également pour la mère porteuse (génétiquement parente de l'enfant ou non) ? Et par la suite, quelles conséquences psychologiques pour un enfant qui pourrait avoir jusqu'à cinq parents (les deux parents biologiques, la mère porteuse et les parents d'intention) ? Une partie de ces arguments est à retrouver dans
un article de Slate d'octobre 2010.
Pour prendre un exemple un peu plus extrême, j'utiliserait deux extraits du livre de Sylvianne Agacinski, Le Corps en miettes : "La mise à disposition de l'utérus féminin est une pièce indispensable au dispositif d'ensemble de la production d'enfants en laboratoire". Elle craint qu'une fois légalisée, cette pratique devienne "un nouveau métier, praticable à temps partiel en rentrant chez soi. Une aubaine pour les chômeuses en somme". (Je vous laisse commenter ces magnifiques extraits !)
Pour revenir aux monde politique, on peut remarquer que plusieurs groupes avaient tenté de proposer dans des rapports la légalisation de la Gestation Pour Autrui.
Un article du Monde en parle de façon claire. Deux propositions de loi complètement identiques étaient déposées en janvier 2010 émanant de la
droite et de la
gauche. Ces textes étaient issus des réflexions d'un groupe de travail pluraliste institué en janvier 2008 par le sénat
*. Les deux parties étaient donc du même avis quand à la légalisation et l'encadrement de la Gestation pour Autrui. Mais ça, c'était en 2010. Aujourd'hui, ils sont en majorité contre. Ça ne m'étonnerai pas que la question du mariage homosexuel y soit pour quelque chose dans ce retournement de veste, dans cette pirouette des politiciens de ne pas se rappeler de ce qu'ils ont proposés quelques petites années plus tôt pour la droite et marteler à la gauches que ces méchants veulent faire passer la loi du mariage pour tous avec une future autorisation de la Gestation pour Autrui alors qu'eux sont contre... Et la gauche de répondre qu'ils n'en ont pas l'intention (ce n'est pas dans le projet de loi). L’opposition me paraît ici bien moins honnête que la majorité puisqu'ils ont proposé une loi. pour sa légalisation. Mais ne nous attardons pas plus sur cette histoire.
En ce qui concerne l'opinion publique, en 2009,
un sondage Ipsos a démontré que 61% des français étaient favorables à ce que le recours d'une mère porteuse soit autorisé en France (contre 33% qui y sont opposés). Ils sont en grande majorité pour ce recours pour les couples hétérosexuels : 87%, un peu moins pour les célibataires (62%) et encore un peu moins majoritaires pour les couples homosexuels : 55%. Cependant, à titre personnel, 42% seulement se disent "prêts à recourir à une mère porteuse s'ils ne pouvaient pas avoir d'enfants" et la majorité (55%), indique ne pas l'envisager. En ce qui concerne le fait de porter soit même un enfant pour quelqu'un d'autre, ils sont très peu à l'envisager : 17% seraient prêtes à le faire pour une personne qu'elles ne connaissent pas et qui n'arrive pas à avoir d'enfant. 39% seraient prêtes à le faire cependant s'il s'agit de "quelqu'un de très proche comme une sœur ou une amie".
On voit donc qu'une majorité des français étaient favorables à la légalisation de la Gestation pour Autrui il y a quatre ans. À l'heure de la question du mariage pour tous, un
nouveau sondage a été réalisé par Yougov pour le Huffpost. Il s'avère que ces tendances ont évolué. Ce nouveau sondage publié le jour de la Saint Valentin de cette année révèle qu'ils ne sont plus que 47% à être favorables à la légalisation du recours aux mères porteuses pour les couples hétérosexuels (43% y sont opposés). On peut noter que les partisans de gauches étaient majoritairement favorables (62% pour les sympathisants de gauche par exemple) contre ceux de droite (37% pour les sympathisants de l'UMP). En ce qui concerne son ouverture aux couples homosexuels, 58% des français y sont opposés contre 33% favorables.
Les tendances se sont donc inversées. Encore une fois, je pense que la question du mariage pour tous et l'acharnement des politiques et des médias a permis ce changement d'opinion en si peu de temps.
Il serait pourtant très facile de retourner les arguments en défaveur de la légalisation de la GPA afin de créer une loi pour éviter toutes ces dérives qui effraient tant ces politiciens et une partie de l'opinion publique.
DEUXIÈME PARTIE
Tout d'abord, je tiens à dire que non, les pauvres femmes sans défense ne se feront pas exploiter le bidou si une loi encadre ce recours. Les femmes ne sont pas de pauvres êtres sans défense comme semblent le croire certains et ne sera pas un retour en arrière pour le féminisme. Le choix pour ces femmes d'utiliser ou non leur corps pour aider d'autres personnes est complètement dans l'idée du féminisme : faire ce qu'elles veulent de leur corps. De plus, il ne me semble pas qu'on oblige ces femmes à faire des enfants pour les autres ! Il ne s'agira pas d'arriver dans des chambres de maternité de façon aléatoire et de prendre leur nouveau né aux femmes ou dans la rue d'en obliger certaines à mettre au monde des enfants pour les autres. J'imagine mal une obligation par la loi qu'à leur 18 ans, les femmes soient forcées de mettre au monde un bébé comme on a pu forcer les hommes à aller au service militaire. Les femmes seront en mesure de choisir ou non d'enfanter pour une autre personne ou pour un autre couple.
Dans la proposition de loi autorisant la GPA dont je vous ai parlé plus haut, voici ce qui était proposé :
- Autorisation pour les couple hétérosexuels dont la mère ne peut porter d'enfants et à condition qu'au moins un des deux parents soit le géniteur.
- Interdiction pour la mère porteuse de donner ses gènes. Elle ne fait que "prêter" son utérus le temps de la grossesse.
- Il y a une "période de repentir" de trois jours après l'accouchement pour la mère porteuse : si elle souhaite finalement garder l'enfant qu'elle a mis au monde.
- Pas de rémunération mais un dédommagement. (Ne savent pas comment l'évaluer)
- La mère porteuse ne peut l'être qu'une seule fois et seulement si elle a déjà eu un enfant.
Certaines de ces propositions sont selon moi très intéressantes et d'autres mériteraient d'être revues. La question de l'hétérosexualité du couple ne se posera que lorsque la loi pour le mariage pour tous sera passée, les couples hétérosexuels et homosexuels ayant à ce moment là (je l'espère) accès aux mêmes droits (et devoirs). Il me semble également important qu'au moins un des deux parents soit le géniteur de l'enfant (sinon cela reviendrait au même je pense qu'une adoption).
En revanche, les deuxièmes et troisièmes idées me semblent incompatibles et le troisième particulièrement néfaste. Pour commencer, interdire à la mère porteuse de donner ses gènes serait plus logique dans une question de "don" d'un enfant à d'autres. Celle-ci aurait donc moins de raisons d'être attachée à l'enfant si celle-ci n'a pas de lien génétique avec lui. De plus, si la mère porteuse n'est pas génétiquement liée à l'enfant, pourquoi l'autoriser à finalement vouloir garder l'enfant ? Le geste de la maternité pour autrui est justement l'essence de ce don, sans attente de retour. Il n'y a aucune raison pour que celle-ci veuille garder l'enfant si elle sait depuis le début qu'elle ne sera pas celle qui l'élèvera. Comme il est dit, elle ne fait que "prêter son utérus". Et non, ceci n'est pas horrible, si la femme en est consciente. C'est pourquoi il faudrait par ailleurs faire une sélection psychologique (en plus d'une sélection sur la santé physiologique, mais j'y reviendrais plus tard).
Le dédommagement en place de la rémunération me semble tout a fait faisable pour éviter les dérives du "nouveau métier" dont parlait Sylvianne Agacinski en plus du trop entendu "commerce du corps". La question de l'évaluation semble plutôt difficile mais j'essayerai d'apporter un éclairage sur cette question plus loin.
Enfin, avoir déjà eu un enfant est obligatoire : savoir ce que ça fait d'être enceinte et d'accoucher et nécessaire pour pouvoir le faire par la suite pour autrui. Arrêter le nombre de grossesses pour une mère porteuse est une question également intéressante.
J'ai rédigé quelques idées de la même manière que celles que je viens de vous présenter. Les voici :
- La gestation pour autrui devrait être anonyme de la même manière que le don de sperme ou d'ovocytes. En effet, certains ont peur d'une rémunération directe ou indirecte de la mère porteuse qui amènerai à confirmer la théorie du "four à bébés" et du "commerce du corps". Rendre anonyme cette gestation serait alors la meilleure façon d'empêcher la rémunération indirecte (comme les cadeaux). Je suis consciente que certains couples et célibataires souhaiteraient lier une relation privilégiée avec celle qui aura mis au monde leur enfant. Mais la régulation et le contrôle de ces gestations et de l'après accouchement seront bien plus pratiques par la suite si elles étaient anonymes. Comment alors faire confiance aux mères porteuses ?
- Réaliser une enquête et une sélection drastique des futures mères porteuses. De la même façon qu'une enquête est réalisée pour les personnes qui souhaitent adopter, vérifier l'état de santé physique et psychologique de cette personne sera primordiale. La participation à un atelier ou à une conférence sur les conséquences du choix d'être mère porteuse me semble également important dans la décision finale de ces femmes. Ensuite, les visites régulières chez le médecin comme toute femme enceinte ainsi qu'un suivi psychologique seront nécessaires pour le bon déroulement de la grossesse et de l'après accouchement.
- Réaliser également une enquête pour les futurs parents tout comme pour l'adoption.
- Aucun lien génétique de la mère porteuse avec l'enfant. Pas de période de repentir car elle a été informée dès le début qu'elle ne serait pas la mère légale de l'enfant et elle n'a aucun gène commun avec lui.
- Limiter les gestations pour autrui par femme. Il faut tout d'abord qu'elle ait déjà mis au monde un enfant. En ce qui concerne l'âge minimum, soit 18 ans (âge de la majorité) soit l'âge moyen qu'a une femme lorsqu'elle met au monde son premier enfant (qui me paraît plus raisonnable en terme de maturité de la femme). Pour l'âge maximum, le limiter à l'âge maximum où la grossesse risque, selon les médecins, de commencer à être considérée comme dangereuse pour la mère porteuse et pour l'enfant.
- Pas de rémunération mais une prise en charge des frais médicaux liés à l'insémination, à la grossesse et à l'accouchement. Une partie pourrait être prise en charge par l'Etat comme pour une grossesse "normale", le reste étant pris en charge par les parents d'intention.
- Autorisation de la GPA pour les couples et célibataires hétérosexuels et homosexuels.
Pour les hétérosexuels : recours uniquement si la femme ne peut porter un enfant, que le recours a la PMA a été infructueux et qu'ils veulent absolument transmettre leur patrimoine génétique.
Pour les lesbiennes : de même
Pour les gays : recours s'il veulent transmettre une partie de leur patrimoine génétique.
Pour finir, je dirai que la commercialisation du corps peut parfaitement être toujours interdit tout en autorisant une Gestation Pour Autrui encadrée légalement. La libre disposition de son corps est un principe pour lequel les femmes se sont battues et cette légalisation ne diminuera en aucun cas la force de ce combat. Le don d'un enfant ne réduira pas la femme a son utérus. Le pourcentage de femmes prêtes à porter elles-même un enfant en France pour autrui est très bas, et le don d'ovocytes étant plus contraignant se fait bien moins souvent que le don de sperme. Il n'y aurait donc que peu d'enfants en France qui pourraient naître de cette façon. Cependant, refuser à une partie de la population la naissance d'enfants désirés alors qu'on imposait il y a encore quelques année, la naissance d'enfants non désirés bafoue la réalité des familles d'aujourd'hui. L'encadrement de la GPA serait le meilleur moyen de pallier aux dérives tant redoutées par les politiciens ainsi que l'opinion publique.